Loi PACTE : quid de la prescription des actions en nullité des titres de propriété industrielle ?
Les aspects de propriété industrielle du projet de loi PACTE se concentrent sur une réforme de l’INPI. Les débats relatifs à cette réforme ont éclipsé l’amendement proposant l’imprescriptibilité des actions en nullité des titres de propriété industrielle, qui a été présenté puis retiré lors des débats à l’Assemblée Nationale, bien que ledit amendement soit d’une importance fondamentale.
La précision selon laquelle les actions en nullité des titres de propriété industrielle sont imprescriptibles apparaissait salutaire. En effet, pour rappel, la jurisprudence récente applique la prescription quinquennale de droit commun de l’article 2224 du Code civil auxdites actions. Or, au-delà des discussions relatives à la légitimité de cette application, tout un chacun s’accorde à dire qu’elle est inopportune, en particulier du fait du caractère flottant du point de départ à partir duquel la prescription commence à courir (« à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer« ). Ainsi, en droit des brevets par exemple, la jurisprudence a notamment admis que ce point de départ pouvait se situer autant à la date du dépôt de la demande de brevet qu’à la date de la publication de la mention de délivrance ou encore à la date de la mise en demeure du breveté.
Deux motifs ont justifié le rejet de l’amendement en cause. D’abord, l’ordonnance n° 2018-341 du 9 mai 2018 relative au brevet européen à effet unitaire et à la juridiction unifiée du brevet inclut déjà une telle imprescriptibilité en droit des brevets.
Ensuite, la transposition de la directive n° 2015/2436 du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des États membres sur les marques (réforme dite du « Paquet Marques ») permettra très prochainement d’en faire de même en droit des marques. Ces arguments ne résistent néanmoins pas à l’analyse.
D’une part, l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 9 mai 2018 dépend de la ratification de la JUB (qui demeure pour l’instant remise aux calendes grecques, ou plutôt allemandes, dans la mesure où la ratification par l’Allemagne est bloquée depuis un recours devant sa Cour constitutionnelle) et elle ne comprend pas de disposition transitoire.
D’autre part, s’il est vrai que le cas du droit des marques pourrait peut-être prochainement connaitre une issue heureuse, il en va différemment des autres titres de propriété industrielle.
Il ne fait pourtant aucun doute que l’application de la prescription quinquennale aux actions en nullité est inopportune, ne serait-ce qu’en raison de la fonction de purge exercée par ces actions face à des titres nuls constituant autant d’exceptions injustifiées à la liberté du commerce. Un nouvel amendement proposant l’imprescriptibilité de toutes les actions en nullité serait donc opportun lors des débats au Sénat. Dans ce cas, des dispositions provisoires seraient indispensables pour que la nouvelle loi soit applicable à tous les titres produisant leurs effets à la date de son entrée en vigueur et éviter ainsi que la jurisprudence récente ne perdure.
Une telle initiative mettrait enfin un point final à une triste saga dont les milieux intéressés préféreraient qu’elle devienne au plus tôt un lointain souvenir.