The statute of limitations on actions for cancellation of industrial property titles: divided case law
L’article 124, III de la loi dite « PACTE » consacre l’imprescriptibilité des actions en annulation des titres de propriété industrielle. Il devait mettre un terme à la jurisprudence antérieure ainsi démentie, qui appliquait la prescription quinquennale de l’article 2224 du Code civil à ces actions, grâce à l’effet rétroactif que lui confère sa règle de droit transitoire (Voir M. Dhenne, « De la rétroactivité de l’imprescriptibilité des actions en annulation des titres nationaux de propriété industrielle », Propriété industrielle n° 12, décembre 2019, étude 27, voir également ici). Certaines juridictions continuent pourtant d’appliquer ladite prescription aux actions introduites avant l’entrée en vigueur de la loi « PACTE ».
La jurisprudence est désormais divisée à propos de l’interprétation de l’expression « titres en vigueur au jour de sa publication de la présente loi» employée par le nouveau texte.
Ainsi, dans un jugement rendu par le premier le 7 septembre 2021, il est rappelé que « ces mesures [de la loi « PACTE »] ont pour objet de mettre fin à la jurisprudence appliquant une prescription quinquennale aux actions de ce type et doivent nécessairement d’interpréter, compte tenu de la volonté du législateur de faire disparaître tous les titres nuls, comme s’appliquant à toutes les actions en nullité relatives à des brevets, y compris celles qui auraient été prescrites sous l’empire de l’ancien droit, sauf l’impossibilité de remise en cause des décisions d’annulation du titre par décision passée en force de chose jugée » (nous surlignons) (TJ Paris, 7 sept. 2021, RG n° 15-06549).
De l’autre côté, certaines décisions exposent une lecture prétendument littérale du texte, selon laquelle la loi ne disposant que pour l’avenir (article 2 du Code civil), en l’absence de disposition expresse contraire, l’article 124, III de la loi « PACTE » serait inapplicable aux actions introduites avant son entrée en vigueur : « Il résulte de ces dispositions [de la loi « PACTE »] que lorsque le législateur allonge le délai d’une prescription, cette loi n’a pas d’effet sur la prescription définitivement acquise, à moins qu’une volonté contraire ne soit expressément affirmée dans ladite loi. » (nous surlignons) (TJ Paris, 11 mars 2021, RG n° 18-13651. En ce sens égale. CA Bordeaux, 25 oct. 2022, RG n° 21-04291, infirmation de INPI, 23 juin 2021, n° NL 20-0054).
Le texte est clair pourtant. L’article 124, III dispose précisément ceci : « Les 2°, 4°, 5°, 7° et 8° du I du présent article [paragraphes consacrant l’imprescriptibilité des actions en annulation des titres de propriété industrielle]s’appliquent aux titres en vigueur au jour de la publication de la présente loi. Ils sont sans effet sur les décisions ayant force de chose jugée. » (nous surlignons).
La formulation « titres en vigueur au jours de la publication » est certes maladroite. Seuls des droits et des actions sont soumis à prescription, pas des titres. Et cette maladresse découle sans doute d’une double confusion : entre titre et droit, d’une part, et entre droit et action, d’autre part. Autrement dit, le législateur visait, de fait, les actions en annulation relatives aux titres. C’est ce que confirme le renvoi de l’article 124, III, aux paragraphes 2°, 4°, 5°, 7° et 8° de l’article 124, I, qui visent les actions.
S’agirait-il alors d’un simple rappel du droit commun selon lequel la loi possède un effet immédiat ? Non, puisque l’objectif du législateur était d’éliminer tous les titres nuls, de telle manière que le texte a vocation à s’appliquer à toutes les actions susceptibles de viser des titres en vigueur au moment de la publication de la loi. La seule limite résidant dans « les décisions ayant force de chose jugée ». Voici en guise de rappel : « La situation actuelle est source d’une grande insécurité juridique, les juridictions ayant des appréciations divergentes du point de départ du délai de prescription de cinq ans. Cette solution conduit à empêcher, au-delà d’une courte durée, la remise en cause d’un titre affecté d’un vice intrinsèque, bloquant abusivement un marché pour de nouveaux entrants (par exemple le titulaire d’un brevet dénué d’activité inventive pourrait empêcher ses concurrents d’utiliser un procédé qui devrait être dans le domaine public). […] L’absence de prescription de l’action en nullité permettra ainsi d’assainir la concurrence en éliminant les titres nuls […]. » (nous surlignons) (Amendement n° 896 déposé en première lecture au Sénat le 29 janvier 2019, voir ici à ce propos).
Fondamentalement, comme le rappelle la première partie de la jurisprudence suscitée, c’est l’intention législative qui est en cause. Ainsi, nous concluions déjà ceci par le passé : « Une seule interprétation de la règle de droit transitoire commentée s’impose finalement. Elle consiste, sans peine, à la lire ainsi : « III.- Les 2°, 4°, 5°, 7° et 8° du I du présent article s’appliquent même rétroactivement aux actions en nullité visant les titres en vigueur au jour de la publication de la présente loi. Ils sont sans effet sur les décisions ayant force de chose jugée ». Toute autre interprétation violerait l’intention du législateur clairement exprimée : éliminer la grande insécurité juridique engendrée par les effets inadmissibles de la jurisprudence démentie. » (M. Dhenne, « De la rétroactivité de l’imprescriptibilité des actions en annulation des titres nationaux de propriété industrielle », préc.).
Il n’en demeure pas moins que les prétoires ont vu naître la lecture prétendument littérale adoptée dans certaines décisions. Ce refus d’appliquer l’imprescriptibilité à tous les titres en vigueur, qui s’appuie finalement sur un raisonnement tronqué de ce qu’est une règle de droit transitoire, viole la volonté législative de démentir la jurisprudence antérieure. Gageons donc que la Cour de Cassation soit saisie le plus rapidement possible, afin de mettre fin à l’insécurité juridique anachronique découlant de la division tout autant injustifiée qu’injustifiable de la jurisprudence actuelle.