23 January 2025
Quand choisir la médiation ou l’arbitrage en droit des brevets ?
En matière de brevets, les différends peuvent porter sur la validité, la contrefaçon, la licence, l’exploitation ou encore la co-propriété d’un titre. Plutôt que d’engager un procès classique — souvent long, coûteux et public — les parties peuvent recourir à des Modes Alternatifs de Règlement des Litiges (MARL), dont la médiation et l’arbitrage sont les plus courants (voir nos articles détaillés sur la médiation en propriété intellectuelle et l’arbitrage en propriété intellectuelle).
1. Critères Structurants
- Nature et Objectif du Litige
- Conflit technique (portée d’un brevet, contrefaçon) :
- La médiation permet de trouver un accord pratique, comme un aménagement technique ou une licence.
- L’arbitrage offre une décision ferme sur la contrefaçon ou la portée du brevet.
- Question de validité :
- Certains ordres juridiques sont plus réticents à confier la validité des brevets à l’arbitrage, considérant qu’elle relève d’un intérêt public. Dans d’autres pays, l’arbitre peut trancher la validité entre les parties (pas erga omnes).
- Conflit technique (portée d’un brevet, contrefaçon) :
- Volonté de Maintenir une Relation
- Médiation : adaptée si les parties souhaitent préserver leurs liens commerciaux (co-entreprise, R&D partenariale, contrats de licence durable).
- Arbitration : recouru si la relation est moins stratégique ou si un prononcé contraignant est nécessaire.
- Complexité et Rapidité
- Médiation : souvent plus rapide, idéale pour des solutions immédiates (quelques semaines à quelques mois).
- Arbitration : est formel (sentence exécutoire), parfois plus long (6 à 18 mois), mais toujours moins que certains contentieux judiciaires nationaux (plusieurs années).
- Confidentialité et Images
- Médiation : tout est confidentiel, y compris les discussions et l’issue (accord amiable).
- Arbitration : procédure également confidentielle, mais la sentence est contraignante et peut faire l’objet d’une reconnaissance internationale (Convention de New York).
- Dans les litiges de brevets impliquant des secrets d’affaires (procédés de fabrication, etc.), ces deux voies assurent une protection des informations sensibles, contrairement à un procès public.
- Exigence d’une Décision Exécutoire
- Médiation : l’accord trouvé dépend de la volonté des parties. Elles signent un protocole d’accord(transaction).
- Arbitration : la sentence arbitrale est exécutoire et peut être mise en œuvre dans 160+ pays (Convention de New York). Si l’une des parties ne respecte pas la sentence, on peut recourir à l’exécution forcée.
2. Tableau de Comparaison
Critères | Médiation | Arbitration |
---|---|---|
Nature | Mode amiable : on trouve une solution de façon volontaire, aidée par un médiateur | Mode juridictionnel privé : on tranche par une décision(sentence) contraignante |
Rôle du tiers | Facilitateur neutre (le médiateur) : il aide au dialogue, ne décide pas | Arbitre(s) : juge(s) privé(s) qui tranche(nt) le litige |
Confidentiality | Oui (échanges et résultat amiable) | Oui (procédure et sentence), sauf exceptions légales |
Temps | Rapide (quelques semaines à mois) | Souvent 6 à 18 mois, selon la complexité |
Coût | Généralement moins onéreux | Plus élevé (honoraires d’arbitres spécialisés, administratifs…), mais reste moindre qu’un procès long dans plusieurs juridictions |
Exécution | Nécessite un accord mutuel (validé contractuellement ou homologué) | Sentence exécutoire reconnue au niveau international (Convention de New York, 1958) |
Relations futures | Favorise la collaboration continue (préserver un partenariat, une licence) | Délivre une décision contraignante, idéale si la coopération à venir est incertaine ou non prioritaire |
Adaptation technique | Flexible pour des solutions créatives (licence partielle, partage de R&D…) | Plus codifié : l’arbitre statue sur la validité, la contrefaçon, et fixe éventuellement des dommages ou injonctions |
3. Scénarios Concrets
- Négociation de Licences FRAND
- Les brevets essentiels à une norme (SEPs) exigent des licences Fair, Reasonable, Non-Discriminatory.
- Médiation : Les parties (titulaire du SEP et fabricant) privilégient un règlement rapide et confidentiel, négociant une redevance. La médiation encourage l’échange de données sensibles (coûts de production, part de marché, etc.) dans un cadre sécurisant.
- Arbitration : Si la médiation échoue et qu’il faut un tarif FRAND imposé, l’arbitrage permet une sentence arbitrale précisant la redevance et les termes de licence.
- Brevets de Procédé Sensibles
- Dans l’industrie pharmaceutique ou chimique, un procédé de fabrication peut être couvert par un brevet.
- Médiation : protection de la confidentialité (secrets industriels), recherche d’un compromis (aménagement technique, accord de licence).
- Arbitration : si la validité est contestée ou si la partie accusée de contrefaçon refuse la médiation, l’arbitre (souvent un expert technique) tranche la portée du brevet et fixe la compensation éventuelle.
- Co-entreprises en R&D
- Deux entreprises collaborent et co-déposent un brevet. Un désaccord survient sur l’exploitation ou la répartition des revenus.
- Médiation : idéale si les partenaires souhaitent poursuivre leur collaboration à long terme (projets de R&D futurs). Ils conservent la main sur l’accord final.
- Arbitration : si la médiation échoue et que chaque partie veut défendre une position, l’arbitre rend une décision exécutoire sur la répartition des droits.
- Litiges multi-juridictionnels
- Les brevets peuvent être déposés dans plusieurs pays, générant des contentieux parallèles.
- Médiation : permet une solution unique, valable pour l’ensemble des territoires.
- Arbitration : la sentence arbitrale peut être appliquée dans de nombreux pays signataires de la Convention de New York, évitant plusieurs procès nationaux.
4. Conclusion : Les Pistes de Choix
- Choisir la Médiation si :
- Les parties veulent garder un partenariat (licence, R&D).
- Le litige est principalement technique ou commercial, avec une volonté d’ajustement mutuel.
- Le besoin d’une décision exécutoire n’est pas prioritaire (les parties sont enclines à respecter un accord).
- La rapidité et la confidentialité sont essentielles, et l’on souhaite minimiser les coûts.
- Choisir l’Arbitrage si :
- Il est indispensable d’avoir une décision contraignante (comme une injonction ou une fixation de redevance).
- La validité du brevet ou la question d’abus de monopole justifie une sentence exécutoire.
- Les parties sont prêtes à investir dans un processus plus formel pour un litige complexe (même si généralement plus rapide que les tribunaux nationaux).
- On veut une exécution internationale facilitée par la Convention de New York (cas de litiges multi-pays).
En définitive, la médiation et l’arbitrage constituent deux outils complémentaires pour résoudre un litige en matière de brevets. Le tableau comparatif ci-dessus offre un aperçu clair des points forts de chacun. Le choix dépendra principalement :
- de la volonté des parties de conserver ou non une relation à l’amiable,
- de leur besoin d’une décision judiciaire privée (arbitre) ou d’un accord collaboratif (médiation),
- de la complexité technique ou juridique du différend,
- et du contexte international éventuel (brevets couvrant plusieurs États).
Author : Dhenne Avocats.