29 July 2024

Affaires Panasonic : Clarification sur la production de licences comparables devant la JUB (Ordonnance de production des preuves).

Cette semaine, nous avons rapporté l’affaire opposant Huawei à Netgear, dans laquelle le défendeur avait obtenu une ordonnance de production d’une licence comparable accordée par Huawei à Qualcomm, dont Netgear avait obtenu la production via une décision de la division locale de Munich du 24 avril 2024. Il est intéressant de noter que cette affaire n’est pas la seule du genre, et que ces affaires, qui portent sur la production de licences comparables dans les litiges relatifs aux SEP, semblent constituer l’embryon de la jurisprudence SEP/FRAND de la JUB.

Ainsi, quelques mois après cette première décision, c’est au tour de la division locale de Mannheim de se prononcer sur une demande de production de licences comparables dans les affaires opposant Panasonic à Xiaomi et Oppo. Fin juillet 2023, Panasonic a intenté des actions en contrefaçon contre Xiaomi et Oppo, en invoquant 4 brevets SEP déclarés essentiels aux normes WCDMA et LTE. Le plaignant a intenté pas moins de douze actions contre les deux défendeurs devant les divisions locales d’UPC à Mannheim et Munich, parallèlement aux litiges déjà en cours en Grande-Bretagne et aux nouveaux litiges nationaux déposés en Allemagne.

Les 30 avril et 16 mai 2024, la division locale de Mannheim a rendu deux décisions importantes concernant des demandes de production de preuves, en l’occurrence des licences comparables, comme c’était déjà le cas dans l’affaire Huawei. Les affaires Panasonic ont toutefois la particularité de fournir plus de détails sur le cadre de la production de licences comparables devant la JUB.

Première décision

La première décision a été rendue dans l’affaire opposant Panasonic à Xiaomi. Dans cette affaire, le Président de la Cour rappelle l’importance de la transparence dans les litiges FRAND et donc la nécessité de produire les licences SEP existantes qui ont été conclues par le demandeur avec des tiers (UPC_CFI_218/2023, UPC_CFI_219/2023, UPC_CFI_223/2023). En l’espèce, la demande émanait de Panasonic, qui souhaitait être autorisée à divulguer les licences signées avec des tiers. La Cour a accepté cette demande à condition que certaines informations confidentielles de tiers soient protégées.

Seconde décision

Dans la seconde affaire, Panasonic c. Oppo, le président du tribunal a refusé d’autoriser la production de licences comparables (UPC_CFI_216/2023). Dans cette affaire, c’est le défendeur, et non Panasonic, qui demandait la production de licences conclues ou à conclure par le demandeur concernant la 3G et la 4G pour les appareils mobiles. La demande a été rejetée comme étant trop vague et trop large, et s’apparentant donc à une mesure d’expédient. Le tribunal a noté que la demande d’Oppo semblait effectivement dénoter une volonté d’approfondir la pratique du titulaire du brevet en matière de licences, tout en soulignant que l’injonction de produire des preuves ne serait probablement pas accordée si le défendeur était considéré comme un licencié réticent dès le départ.

La JUB et les licences FRAND

D’une manière générale, on peut noter que la Cour affirme ici sa volonté de participer aux débats sur les licences FRAND. Mais dans la décision du 30 avril en particulier, la Cour analyse la nécessité d’une injonction de produire des documents à la lumière de l’idée qu’une SEP est soumise au droit de la concurrence de l’UE, en particulier aux articles 101 et 102 du TFUE, tel que développé dans la jurisprudence de la CJUE dans l’affaire Huawei c. ZTE. Pour rappel, dans cette affaire, la Cour de justice a établi un cadre procédural pour équilibrer les intérêts et les obligations des détenteurs de droits de propriété intellectuelle et des exécutants dans les négociations FRAND. Ce rappel de la UPC est important car il rappelle que la jurisprudence de la Cour de justice doit être appliquée par l’UPC, de sorte que la Cour de justice continue à imposer le cadre pour les litiges FRAND. Ce n’est pas une surprise, notamment en raison de l’article 20 de l’UPCA et de l’article 326 du TFUE sur la coopération renforcée, mais c’est un rappel qui plante le décor dès le départ : Les titulaires de SEP devront continuer à respecter les principes établis par la jurisprudence de la CJUE avant de tenter de faire valoir leurs droits devant la JUB.

Mais paradoxalement, tout en acceptant logiquement la tutelle de la CJUE, la Cour semble aussi le faire pour mieux se positionner dans les débats SEP/FRAND. Alors que la Commission européenne s’est saisie de la question des licences FRAND, en vue d’une harmonisation, l’UPC affirme que certaines nécessités pratiques, telles que la transparence dans les négociations de licences FRAND, peuvent déjà être traitées par l’UPC elle-même. Peut-être que si l’élaboration d’un litige SEP/FRAND permettait d’harmoniser les positions européennes en la matière, la Commission abandonnerait son projet tant débattu ? La JUB devrait encore répondre à plusieurs questions, que j’aborderai (en partie) dans mon prochain article.

Author : Dhenne Avocats.