Covid-19: intellectual property a barrier to vaccine distribution?
À l’heure où le virus continue de se répandre en France malgré le (re)confinement, les laboratoires américains Pfizer et BioNtech annoncent la découverte d’un vaccin fonctionnant dans 90% des cas. La distribution de ce nouveau vaccin pourrait cependant être freiné par la propriété intellectuelle si les autorités publiques n’agissent pas à temps.
La lueur d’espoir : le BNR162b2
Cette lueur d’espoir provient du « BNT162b2 », vaccin à ARNm de pointe déjà célébré par le PDG de Pfizer, Albert Bourla, comme « une étape critique dans le programme de développement de vaccins [de la société] à un moment où le monde en a le plus besoin ».
Mais en quoi consiste précisément cette « étape critique » ? C’est un vaccin fondé sur la technique de l’ARN messager, qui met l’organisme à contribution en lui indiquant comment se défendre face au virus. On injecte dans l’organisme des brins d’instructions génétiques appelées ARN messager, c’est-à-dire que la molécule indique à nos cellules ce qu’il faut fabriquer. L’ARN messager du vaccin s’insère dans les cellules puis prend leur contrôle pour leur faire fabriquer un antigène spécifique du coronavirus : en l’occurrence la «spicule» du coronavirus, sa pointe qui se situe à sa surface et lui permet de s’attacher aux cellules humaines pour les pénétrer. Cette pointe, qui est en elle-même inoffensive, sera ensuite détectée par le système immunitaire qui va produire des anticorps, et ces anticorps vont rester, montant la garde pendant une certaine durée, encore indéterminée.
La propriété intellectuelle : un frein au développement du vaccin?
Quid de la propriété intellectuelle dans tout ça ? Depuis plusieurs mois certains experts ont tenté d’alerter les pouvoirs publics, comme l’Institut de Boufflers en France, ou les représentants de l’Afrique du Sud à l’OMC. Sans succès. Pourtant le problème est de taille. Le BNT162b2 en est une preuve supplémentaire.
D’abord, la société Allele soutient que le vaccin de Pfizer et BioNtech contrefait son patent de biotechnologie relatif à une protéine fluorescente mNeonGreen. Cela étant, le breveté semble uniquement rechercher l’obtention d’une redevance raisonnable. On ne peut toutefois pas exclure que cette prétention et peut-être d’autres freinent le développement du vaccin.
Ensuite, le développement de l’ARN messager a impliqué l’utilisation d’une technique de plate-forme, objet d’un brevet ayant déjà été opposé par la société Arbutus Biopharma au laboratoire Moderna Therapeutics, qui développe également un des projets de vaccin contre la Covid-19 les plus aboutis au monde.
Enfin, et surtout, Pfizer et BioNtech vont sans doute rechercher à protéger leur découverte. Or, bien que les vaccins à ARNm soient généralement considérés faciles à obtenir, ce qui limite la protection par brevets, même si ceux-ci étaient absents de la partie (ce qui reste douteux), il n’en demeure pas moins que le transfert de savoir-faire propres à Pfizer et BioNtech serait sans doute nécessaire pour produire le BNT162b2. En outre, si l’État peut exiger la mise en place d’une licence d’office, pour assurer un accès aux brevets, cette procédure est très lourde et elle ne permet pas de contourner les exclusivités réglementaires.
Quoi qu’il en soit, Pfizer et BioNtech, contrairement à d’autres acteurs du secteur, comme par exemple AbbVie et Moderna Therapeutics, ne se sont pas engagés à donner accès gratuitement et sous certaines conditions à leur propriété intellectuelle liée au Covid-19.
Au stade où les recherches commencent à aboutir à des résultats, il est grand temps que le gouvernement français, qui prétend par ailleurs reconquérir la souveraineté pharmaceutique, se penche enfin sur ces questions de propriété intellectuelle, si on ne veut pas se retrouver face à une impasse qui rappellera l’imbroglio des masques du printemps dernier.