Seizure and counterfeiting and the law on business secrecy: developments in French law since the 2018 reform
La transposition de la directive de 2016 sur le secret des affaires en droit français par la loi du 31 juillet 2018 et son décret d’application relatifs au secret des affaires pouvait laisser présager des difficultés pour la mise en œuvre des saisies-contrefaçons.
La principale à retenir demeure sans doute l’application du nouvel article R. 153-1 du Code de commerce aux droits de propriété intellectuelle. En effet, selon ce texte, « le juge peut ordonner d’office le placement sous séquestre provisoire des pièces demandées, afin d’assurer la protection du secret des affaires« . Toutefois, « si le juge n’est pas saisi d’une demande de modification ou de rétractation de son ordonnance […] dans un délai d’un mois à compter de la signification de la décision, la mesure de séquestre provisoire mentionnée à l’alinéa précédent est levée et les pièces sont transmises au requérant« . En somme, il convient depuis 2019, de prévoir, au sein de l’ordonnance, la possibilité de placer les pièces sous séquestres provisoires sous prétexte du secret des affaires et si la demande de maintien n’est pas faite dans le délai d’un mois lesdites pièces sont remises au saisissant.
Cette disposition laissait présager de nombreuses demandes de rétractation des ordonnances de saisie-contrefaçon comprenant également des demandes de maintien des séquestres ; les plaideurs n’ont pas manqué à l’appel. Le maintien des séquestres est alors subordonné à une deux conditions dont le saisi doit apporter la preuve : qu’une information contenue par une pièce mise sous séquestre puisse être qualifiée de secret des affaires et que cette pièce ne soit pas nécessaire à la preuve de la contrefaçon. Or, nous pouvons constater que la jurisprudence des juridictions françaises spécialisées est dans son ensemble exigeante dès qu’il s’agit de caractériser ces deux conditions.
La jurisprudence s’est plus particulièrement axée sur le critère de la divulgation : la nécessité à la preuve de la contrefaçon. Ainsi, le Tribunal Judiciaire de Paris, par une décision rendue le 12 juin 2020, dans une affaire TEOXANE c/ VIVACY — confirmée par un arrêt de la Cour d’appel de Paris — a ainsi considéré qu’un document relatif à des lots de production (« feuille A4 contenant le nombre de lots de production« ) était nécessaire à la solution du litige, bien qu’il renseigne sur les capacités de production du saisi, et en dépit du fait que deux autres documents renseignaient déjà sur le masse contrefaisante.
De même, par une autre décision rendue par le Tribunal judiciaire le 27 mai 2021 dans une affaire WSOU c/ HUAWEI, il a été décidé que l’accord d’achat de brevets, ses annexes et avenants, et les actes de confirmation, qui constituaient pourtant des secrets des affaires, devaient être divulgués, parce qu’ils étaient nécessaires à la démonstration de l’étendue de la contrefaçon.
Cela étant, bien qu’une pièce soit jugée nécessaire à la solution du litige, le Juge peut, selon les textes de 2019 (R. 153-5 et suivants du Code de commerce français) opter pour différentes options.
– Le Juge ne refuse la communication de la pièce que si elle n’est pas nécessaire à la solution du litige.
– Le Juge ordonne la communication de la pièce dans son intégralité si elle est nécessaire à la solution du litige.
– Le Juge ordonne la communication non intégrale de la pièce si des éléments de celle-ci ne sont pas nécessaires à la solution du litige.
– Et/ou le Juge peut ordonner la communication de la pièce que dans le cadre d’un cercle de confidentialité (comprenant certains représentants des parties) qui sera chargé de faire le tri entre ce qui relève ou non du secret.
En fin de compte, en dépit de la réforme de 2018 du secret des affaires, force est de constater que la jurisprudence restreint les possibilités d’interférence du secret avec la saisie-contrefaçon, de telle sorte que cette dernière demeure un outil efficace pour obtenir des preuves, que les saisissants pourront, rappelons-le, non seulement utiliser en France, mais aussi à l’étranger.