Focus sur l’avocat droit des brevets
L’importance croissante des brevets d’invention dans la vie économique, dont résulte l’importance croissante du contentieux qui lui est lié devant les juridictions françaises, autant pour les start-ups, pour PME/PMI que pour les sociétés du CAC 40, conduit à apporter quelques éclaircissements sur le métier d’ »avocat droit des brevets », lequel demeure malheureusement encore mal connu en France.
Rappelons, tout d’abord, que le brevet constitue un titre de propriété protégeant une invention. Ce titre est délivré par une administration, un office de propriété industrielle (par ex. INPI en France). Il confère une exclusivité d’exploitation pour une invention. Il permet ainsi à son propriétaire d’interdire toute exploitation de cette invention par un tiers pendant une durée de 20 ans à compter de la délivrance du titre par l’office.
Le brevet se caractérise donc, avant tout, comme un droit d’interdire. L’action en contrefaçon de brevet mettra ce droit en œuvre en cas de reproduction illicite de l’invention par un tiers.
Dans ce cadre, le rôle de l’avocat droit des brevets est souvent mal compris, certainement parce que le droit des brevets constitue une matière complexe touchant à la technique. Caractère hybride de la matière qui explique d’ailleurs l’intervention indispensable de conseils en propriété industrielle (couramment désignés par l’acronyme « CPI ») lors de la rédaction du titre, de son dépôt et de sa défense devant l’administration si elle refuse de l’accorder.
Le CPI sera donc l’intermédiaire de l’administration, mais nous verrons qu’il peut aussi intervenir lors de la constitution de la preuve de la contrefaçon et, de manière générale, toutes les fois où une expertise technique sera indispensable dans une négociation ou un procès.
Toutefois, l’avocat demeure le seul susceptible de représenter le breveté ou le prétendu contrefacteur devant une juridiction, d’autant plus qu’il maîtrise tous les aspects juridiques liés au brevet. Il joue ainsi un rôle primordial en avant (1) et durant (2) tout procès.
1. Le rôle de l’avocat droit des brevets en amont du procès
En amont, l’avocat droit des brevets est susceptible d’aider une entreprise en vue d’établir une stratégie de valorisation de sa propriété intellectuelle (quelle protection adoptée ? Brevet ? Marque ? Dessin ou modèle ? Droit d’auteur ? Comment procéder ? etc.)
Ses conseils seront également requis sur les différents aspects juridiques de gestion du brevet (licences de brevets, cessions de brevets, inventions de salariés, revendications de propriété, fiscalité, etc.).
Rédaction et vérification de contrats. Il s’agira, par exemple, de conseiller une entreprise sur les contrats conclus avec des salariés susceptibles de participer à la création d’une invention, en y insérant des clauses spécifiques. Ou encore sur des contrats avec d’éventuels partenaires (ex. contrats de recherche).
Négociation de redevances. Il pourra également s’agir de négocier avec un concurrent, avant ou pendant tout procès, les redevances d’une licence (qui autorise l’exploitation d’un brevet en contrepartie d’une redevance), voire de l’indemnisation d’une contrefaçon manifeste (ex. licences FRAND).
Enfin, si une action en contrefaçon est envisagée, l’avocat droit des brevets mesurera les risques de succès et la stratégie à suivre. Souvent la preuve de la contrefaçon devra aussi être constituée, notamment via un ou plusieurs constats d’huissier (sur Internet ou en magasin) et une ou plusieurs saisies-contrefaçon.
2. Le rôle de l’avocat droit des brevets durant le procès
L’avocat droit des brevets sera le seul à même de représenter son client devant une juridiction. Le plus souvent il sera assisté d’un CPI spécialiste de la technique en cause, lequel éclairera les juges sur les aspects techniques.
Deux cas sont à distinguer.
L’action en contrefaçon de brevet proprement dite, dans laquelle le demandeur devra démontrer la contrefaçon. Il lui reviendra également, dans la très grand majorité des cas, de défendre la validité du titre, laquelle est systématiquement remise en cause, puisque le brevet est présumé valable jusqu’à preuve contraire.
L’action en annulation de brevet. Voici le cas typique : une société souhaitant entrer sur un marché dont l’entrée est bloquée par un brevet peut engager une action en annulation de brevet, afin de dégager la voie (action dite « clear the way »). Cette situation se présente systématiquement quand un fabricant de médicaments type génériques souhaite lancer un nouveau médicament, par exemple. Dans ce cas, le litige concernera la validité du brevet et, dans le domaine pharmaceutique elle concernera également souvent, pour tout ou partie, la validité du Certificat Complémentaire de Protection (dit « CCP », qui remplace le brevet et en prolonge la durée à l’issue des habituelles 20 années : cette spécificité tient ainsi compte du temps considérable exigé par les expérimentations d’un médicament).
Il s’agira alors de démontrer que le brevet a été indûment délivré par l’administration pour une chose qui, en réalité, ne respectait pas les conditions de brevetabilité posées par la loi. Le CCP pourra être également intrinsèquement nul ou nul du fait de la nullité du brevet dont il est issu (« brevets de base« ).
L’action en annulation de brevet pourra soit être formulée en demande (dite « demande principale en annulation de brevet« ) soit prendre la forme d’un moyen de défense, et sera alors une demande en annulation opposée à une action en contrefaçon (dite « demande reconventionnelle en annulation de brevet« ). Dans ce cas, le rôle de l’avocat sera en principe double : d’une part, démontrer qu’il n’y a pas de contrefaçon et, d’autre part, que le brevet opposé est nul.
En fin de compte, autant en amont du procès que durant le procès, l’avocat droit des brevets sera un intermédiaire indispensable à la fois pour la valorisation des inventions (via la valorisation et la gestion des brevets notamment) que pour la protection de parts de marché (laquelle résulte de l’exclusivité conférée par le brevet).