Vaccins Covid-19 : Moderna accuse Pfizer-BioNTech de contrefaire ses brevets
La nouvelle a été annoncée le 26 août 2022 : Moderna attaque Pfizer et BioNTech en contrefaçon de deux de ses brevets relatifs aux vaccins Covid-19. Ces actions très ciblées risquent de s’étendre à de nombreux autres pays. Que cela signifie-t-il précisément ? Cette guerre dans le secteur pharmaceutique pourrait-elle, notamment, avoir des répercussions sur les approvisionnements en vaccins ?
Par un communiqué de presse daté du 26 août 2022, Moderna indiquait qu’elle intentait deux actions en contrefaçon de brevets à l’encontre de son concurrent Pfizer et BioNTech.
Ces actions, qui ont été introduites aux États-Unis et en Allemagne – devant le Tribunal du district du Massachusetts et le Tribunal régional de Düsseldorf – visent deux techniques relatives à l’ARN messager (« ARNm ») qui, selon Moderna, auraient été reproduites par Pfizer et BioNTech lors de la réalisation de leur vaccin Comirnaty®.
La première technique mise en cause consiste dans une structure d’ARN messager que Moderna a commencé à développer en 2010 et dont les essais sur l’Homme ont été validés dès 2015 : une modification chimique spécifique de l’ARNm. Pfizer et BioNTech auraient, selon la demanderesse, fait passer quatre candidats vaccins différents en phase d’essais cliniques, dont certaines options qui auraient évité la voie inventive de Moderna. Cependant, Pfizer et BioNTech ont en fin de compte choisi de réaliser un vaccin dont la modification chimique de l’ARNm est exactement la même que celle de son Spikevax®.
La seconde technique mise en cause consiste dans le codage d’une protéine dite « Spike » complète réalisé par les équipes de Moderna. De même, bien qu’ils avaient d’autres options possibles, Pfizer et BioNTech auraient préféré reproduire l’approche de Moderna, afin de coder la protéine spike complète dans une formulation de nanoparticules lipidiques pour un coronavirus. Or, les scientifiques de Moderna avaient développé cette approche lorsqu’ils ont créé un vaccin contre le coronavirus à l’origine du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS).
L’enjeu est de taille : l’ARN messager constitue une technique révolutionnaire, qui pourra être utilisée dans de nombreuses autres recherches que celles liées au Covid-19, et qui constitue déjà un véritable changement de paradigme dans la recherche de vaccins, dont les méthodes traditionnelles consistaient à utiliser des formes affaiblies ou désactivées des virus.
De fait, les actions en contrefaçon ont essentiellement deux buts : garantir l’exclusivité de Moderna sur deux techniques fondamentales relatives à l’ARNm ; obtenir des dommages et intérêts, mais surtout des royalties (ou redevances, autrement dit chaque personne qui utilisera ces deux techniques devra s’acquitter desdites redevances qui correspondront à un pourcentage du prix de vente du produit impliquant l’utilisation de la technique).
En tout état de cause, ces actions sont très ciblées dans le temps et dans l’espace : elles ne concernent que deux pays (les États-Unis et l’Allemagne), n’incluent pas les demandes d’interdictions provisoires à la vente, et excluent les 92 pays à revenu faible ou intermédiaire éligibles à l’AMC (Advance Market Commitment for Covid-19 Vaccines), et la période prise en compte ne commence qu’en mars 2022 (Moderna s’étant jusqu’alors engagée à donner accès à ses Brevets gratuitement, mais sous certaines conditions avec sa promesse de brevet).
Cela étant, il y a de fortes chances que des actions de ce type prospèrent dans de nombreux pays. En effet, il s’agit de contentieux particulièrement longs. Or, en Europe, si on prend le cas de l’Allemagne, les procédures sont souvent bloquées pendant plusieurs années, parce que les défenderesses demandent la nullité des brevets, ce qui peut bloquer l’action principale en contrefaçon, si le Juge de la contrefaçon décide de ne pas statuer avant que la Juge de la validité n’ait rendu sa décision (ce qui est loin d’être rare dans des affaires d’une telle importance).
En revanche, il ne serait pas exclu que Moderna intente une action plus prompte en France, par exemple, où la validité de ses brevets seraient directement examinés par les Juges en même temps que la contrefaçon. Une action sur le territoire français pourrait même être éclaire, si Moderna se décidait à demandait une interdiction provisoire à la vente en France : dans ce cas en quelques mois un Juge se prononcerait sur la contrefaçon et sur la validité de ses Brevets et pourrait même accorder des dommages et intérêts provisionnels à Moderna.
Ainsi, l’on ne peut pas exclure que, dans les nombreux rebondissements que comprendra cette affaire, Moderna n’envisage pas, notamment, de demander une interdiction provisoire en France, où, en quelques mois, ses Brevets pourraient être reconnus valides, et Pfizer BioNtech interdite à la vente, certainement obligées dès lors de négocier, au moins pour être en mesure de vendre en France.