Tribune I Loi Pacte : propriété industrielle, acte II
Le projet de loi PACTE comprend une réforme du brevet français, qui pourrait s’avérer vaine depuis le passage du texte au Sénat mardi 5 février.
Les mesures envisagées
Le projet de loi PACTE comprenait initialement deux réformes du droit des brevets : l’article 40, qui renforce le certificat d’utilité, et l’article 42, qui met en place une procédure d’opposition à l’INPI dans le cadre de la délivrance de brevets d’invention français. Un article 42 bis instaurant un examen de la condition d’activité inventive pour ces derniers avait été adopté par amendement à l’Assemblée.
S’agissant du certificat d’utilité, le projet instaure une augmentation de sa durée de 6 ans à 10 ans ainsi que la possibilité d’une conversion de la demande de certificat en demande de brevet dans un délai et une procédure fixés par décret. Il s’agit de faciliter l’accès à la propriété industrielle en renforçant un titre aux coûts faibles et destinés à des réalisations qui n’exigent pas de protection au-delà du territoire français.
Ces motifs fondent aussi la création d’une procédure d’opposition devant l’INPI pour laquelle les parlementaires ont mis en avant le frein économique que peut constituer pour les PME l’obligation de passer par la voie contentieuse pour demander l’annulation d’un brevet. La procédure devant l’INPI étant jugée plus simple et moins couteuse, par conséquent favorable aux PME. La mise en place d’un examen de l’activité inventive au stade de la procédure de délivrance vise à accroitre la qualité du brevet français.
Le débat suscité
C’est plus particulièrement la mesure relative à l’examen de l’activité inventive qui suscite des débats au sein des milieux intéressés.
D’abord, il n’est pas certain que la mesure cadre avec les objectifs de la loi PACTE, parce que la délivrance de brevets reviendra plus chère, ce qui sera un frein pour les PME. Sur ce point, rien ne permet de considérer que les modifications apportées au certificat d’utilité seront suffisantes pour attirer les opérateurs économiques les plus fragiles.
Ensuite, le financement de la mesure laisse dubitatif, notamment parce que la Cour des comptes a déclaré en 2014 que cette mesure n’était pas envisageable, car trop chère, alors que les travaux parlementaires de la loi PACTE évoquent une réforme à effectif constant. Il ne servirait en tout cas à rien de réformer si les pouvoirs publics ne sont pas prêts à assumer le coût de cette mesure, sauf à souhaiter mettre en place un système plus cher pour le déposant et moins efficace par manque de moyens, sans former les examinateurs ni recruter de nouveaux examinateurs.
En d’autres termes, sauf à faire preuve d’une volonté politique et financière à la hauteur de l’ambition affichée, le risque est d’aboutir à la délivrance de titres de faible qualité pour un prix plus élevé pour tous. Enfin, la manière dont cette réforme relative à l’examen de l’activité inventive au stade de la procédure de délivrance a été introduite surprend : s’agissant d’un amendement, il n’est précédé d’aucune étude d’impact et n’a pas fait l’objet de consultation de l’ensemble des milieux intéressés. Les débats actuels prouvent pourtant qu’ils sont pour le moins partagés sur la question.
Le vote au Sénat
Après que cet amendement introduisant l’article 42bis ait été voté à l’Assemblée, à la surprise des milieux intéressés, le vote de mardi a été l’occasion d’un nouveau rebondissement avec la suppression de cet amendement par les sénateurs.
Cette question suscitera sans doute un nouveau débat à l’Assemblée si les travaux de la commission mixte paritaire (Assemblée nationale et Sénat) qui se réunira n’aboutissent pas. Ce rebondissement conduit à renouveler notre réflexion sur le sujet. Quel sens aurait une réforme du certificat d’utilité en présence d’un brevet français tel que nous le connaissons, c’est-à-dire sans examen de l’activité inventive ? Aucun. Pire, le système de protection deviendrait encore plus illisible pour les PME/ETI puisque le certificat d’utilité viendrait concurrencer le brevet français sans qu’on ne puisse déterminer les avantages/inconvénients de l’un par rapport à l’autre.
Quid par ailleurs de la procédure d’opposition ? Là encore, nous ne voyons pas l’intérêt de cette réforme si ladite procédure touche des titres n’ayant pas connu d’examen de l’activité inventive. Certes, cette procédure d’opposition formera les examinateurs à l’examen de l’activité inventive en vue d’une éventuelle réforme à venir de la procédure de délivrance. Mais peut-être serait-il plus sage d’investir davantage dans la formation ab initio des examinateurs au lieu d’envisager de faire peser le poids d’un risque d’une mauvaise formation ab initio sur les futurs opposants.
Quelle que soit la position adoptée concernant la réforme de l’INPI contenue par la loi PACTE, chacun admettra aisément que sans examen de l’activité inventive au stade de la délivrance cette réforme ne présente aucun intérêt, sauf à considérer qu’une réforme inutile, risquée et couteuse puisse en présenter un. Gageons donc que l’examen de l’activité inventive continuera de susciter des débats, mais à l’Assemblée cette fois-ci !